Svâdhyâya

« Il n’y a pas d’accès à la connaissance pour celui qui n’est pas prêt à l’introspection, et donc au changement. » Cynthia Fleury *

Svâdhyâya, 4ème niyama, est pour Patanjali l’étude de soi et même l’enquête sur soi. Pas une mince affaire !
« C’est prendre soin de nos connaissances, de notre intelligence et de nos rencontres. » nous dit François Roux.
Cette en-quête est renforcée et approfondie par l’étude des textes sacrés et leur récitation chantée, les mantra.
Elle est aussi soutenue par deux actions ( respectivement le 3ème et 5ème niyama, qui sont les attitudes bénéfiques pour soi ) :  tapas, l’ascèse au sens de la pratique assidue des postures, de la respiration et de la méditation, et ishvara pranidhana, l’abandon à plus grand que soi.
Cela rappelle abhyâsa et vairâgya, la discipline et le lâcher-prise.

Ces trois actions solidaires sont nécessaires à la réalisation de l’état de yoga.
C’est le yoga sutra II 1 qui décrit le kriyâ-yoga, l’action pour le yoga :

Tapah-svâdhyâya-ishvara-pranidhânâni kriyâ-yogah

« Purification et ascèse, étude de soi et abandon au Suprême constituent l’action pour le yoga (ou le yoga de l’action) » **

L’ordre dans lequel les actions doivent être menées est important et il place en premier la pratique physique du yoga à savoir l’exercice du corps, du souffle et du mental (tapas). Grâce aux sensations qui émergent,  la connaissance de notre corps et de son métabolisme s’affinent.
Ensuite, la curiosité éveillée par la fréquentation des textes sacrés du yoga, l’observation de soi (svâdhyâya) commence.

« L’étude de soi passe traditionnellement par l’étude et la récitation des textes sacrés qui font écho en nous. Ils nous recentrent et nous donnent l’énergie, nous éclairent et nous apaisent tout en même temps. » **

Martin Buber a écrit : « Le retour décisif sur soi-même est le commencement du chemin dans la vie de l’homme (…) mais il est décisif, justement, que s’il mène au chemin. Car il existe un retour à soi-même infécond, qui ne mène à rien d’autre qu’au tourment, au désespoir et à l’enlisement encore plus profond. » ***
Terrain dangereux où la toute-puissance et l’enfermement sur soi ne mènent à rien d’autre qu’à renforcer son ego et à subir les souffrances que cela entraîne.

Mais le yoga sutra II 1 nous donne une clé pour éviter ces pièges. C’est ishvara pranidhâna, l’abandon à ce qui nous dépasse. Il est important de savoir reconnaitre ses limites.
« Faire preuve d’une qualité d’abandon sans démission. » **
Et c’est aussi accueillir chez l’autre ce qui peut nous émerveiller, nous toucher, nous enseigner et nous aider.

Ces trois actions sont donc indissociables mais revenons à svâdhyâya.
Le yoga sutra II 44 nous révèle l’importance et le but de cette enquête sur soi-même :

svâdhyâya-ishta-devata-samprayogah

« Par l’aboutissement de l’étude et de l’enquête sur soi, il y a (découverte puis) parfaite communion avec la voie spirituelle souhaitée.
Les découvertes progressives sont le fruit de remises en question régulières et sans compromis. Acceptation et courage sont des qualités indispensables, sans oublier l’aide d’un guide compétent pour trouver les pratiques les plus ajustées.
Alors se dévoile le chemin de lumière personnel (ishta-devata), l’idéal philosophique ou religieux auquel la personne aspire au plus profond d’elle-même, parfois depuis longtemps, sans oser se l’avouer ou sans parvenir à s’y engager.  » **

Les Yoga Sutra de Patanjali sont théistes. Ce n’est pas un texte religieux mais il admet l’existence d’un Soi qui est l’Atman, le Brahman en chacun de nous. Le Brahman, avec un B, est pour l’Inde l’Absolu, le Tout.

Le plus important reste notre propre interprétation des textes, ce qu’ils évoquent en nous par les mots mais aussi par la vibration des lettres, quant ils parlent de lumière, de sagesse… Et ce qu’ils nous révèlent de nous-même, à l’instar de notre corps.

Cette phrase de Christiane Singer me semble particulièrement juste et belle :
« Chaque jour que des hommes et des femmes prennent soin de la part de réalité qui leur est confiée, ils sauvent le monde… peut-être sans le savoir. »

Du point de vue de la philosophie du yoga, l’étude de soi (svâdhyâya) nous mène sur notre propre chemin, notre svadharma.
Le Dharma pour l’Inde est l’ordre du monde et de l’univers, pour que tout fonctionne en harmonie.
Le svadharma est donc notre propre voie, faite de nos talents et du sens personnel que nous donnons à notre vie. Il est donc impératif de ne pas se comparer car il est périlleux et vain d’emprunter le dharma d’un autre. Le mieux est de se connaitre soi-même.

Le cheminement (sâdhana) pour Patanjali est fait d’effort, de pratique physique, de réflexion et d’abandon. Nous cheminons alors doucement vers l’Inconnu en soi.

  • Les irremplaçables Cynthia Fleury, Gallimard 2015 p28
  • Patanjali Yoga-Sutra Traduction et commentaire Frans Moors, Les Cahiers de Présence d’Esprit 2012
  • Le chemin de l’homme Martin Buber, Les Belles Lettres 2015 p20
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