L’Énergie pour le Yoga

Comme très souvent dans la pensée indienne, plusieurs concepts relatifs à la notion d’énergie coexistent dans les grands textes du Yoga.
Le Hatha Yoga s’appuie essentiellement sur la philosophie des tantra et la Hatha Yoga Pradipika parle de la Conscience-Énergie symbolisée par le couple Shiva-Shakti, principe masculin-féminin en chaque être.
Les Yoga Sutra de Patanjali, qui précèdent, évoquent également l’Énergie en la qualifiant de Souffle-Énergie car c’est le Mâha Prâna, le grand Souffle, qui préside à la vie. C’est l’énergie vitale qui nous est transmise par la respiration.
Sri Desikachar dit que « le Prâna est l’expression du Purusha » .

La Shâkti se présentant sous plusieurs formes :
Kâlî, Lakshmi et Sarasvati, parèdres respectives de Rudra (Shiva sous sa forme féroce), Vishnu et Brahma.

La Conscience – Énergie

Le tantrisme prend son essor après le Vème siècle de notre ère et il va influencer l’Hindouisme, le Bouddhisme et le Yoga.
Il prône « la Voie de l’action » en considérant l’expérimentation directe et la sensation, comme supérieures à l’intellectualisation ou à la connaissance livresque.

« Présentant l’image d’un univers d’énergie polarisée engendré et constitué par la Shakti, la conscience-énergie créatrice, le tantrisme développe « la Voie de l’action » et place l’expérience directe au coeur de la sadhâna (discipline). Celle-ci consiste à réaliser, dans le corps du pratiquant, l’union des principes masculin et féminin, à récréer l’unification de l’être et le réveil de ses potentialités énergétiques. » Boris Tatzky *

Le corps est le lieu de l’éveil de la pleine conscience, qui est énergie.
« Le corps est un temple » pour le culte tantrique.
C’est la conscience juste et intime qui est privilégiée. Le maître, guru, guide le disciple, tantrika, vers une conscience de plus en plus fine.

« L’approche sensorielle concerne la faculté de sentir, de recevoir des impressions. Elle mobilise l’intelligence intuitive, pénétrante, et développe la présence au monde ! » Boris Tatzky*
La préhension effective des choses enrichit et transforme. L’authenticité de l’expérience est primordiale.

« Cette conscience reposant sur l’ouverture du coeur justifie la présence de la Shakti en tant que puissance et beauté révélatrices du sensible. » B. Tatzky*

La pratique du Yoga développe cette présence vigilante à l’instant. Nous devenons plus proche de nos sensations, plus observateur. Nous affinons considérablement « la conscience d’être conscient. »*
L’énergie vitale croît car la conscience est toujours liée à l’énergie.

Le Hatha Yoga (Ha symbole solaire, Tha lunaire) propose de réunir les énergies polarisées et complémentaires présentes en chacun de nous. Après avoir expérimenté les différentes sensations d’un côté du corps puis de l’autre, à travers les postures de flexion latérale et de rotation par exemple, le pratiquant de yoga est invité à ressentir l’union, yug en sanskrit, dans l’axe central, là où circule l’énergie vitale. Cette unification en soi se goûte pleinement dans la posture finale d’assise méditative, grâce au redressement et à l’élévation de la colonne vertébrale.
Pour le yoga, c’est en effet dans la sushumnâ, la nâdi principale ou rivière d’énergie qui se situe prés de la colonne vertébrale, que s’écoule l’énergie dans notre corps.
C’est le lieu d’union entre deux autres nâdi importantes, idâ connectée à la narine gauche « lunaire », principe féminin, et pingalâ connectée à la narine droite « solaire », principe masculin.
Pour unir, il faut avant tout différencier car les deux énergies polarisées procurent chacune une puissance créatrice différente. Il ne faut pas les fusionner mais les réunir dans l’axe principale, la sushumnâ, que l’on traduit par « particulièrement bienveillante ».

Colette Poggi traduit le terme de sushumnâ par « celle dont il est éminemment bon de se souvenir ». Cette traduction est précieuse car elle rappelle la nécessité de maintenir la conscience en éveil pour que le corps se souviennent.

Pour reprendre, Shiva est le principe masculin et immuable, pour le macrocosme-univers mais aussi pour le microcosme-corps humain. C’est « l’existence pure, universelle, infinie et de nature spirituelle » qui ne peut se déployer que par la force créatrice de la Shâkti, ou Mahâ Devî, le principe féminin.
Shiva représente la stabilité, la source d’énergie, l’émetteur, mais il a besoin de la Shakti qui, par sa dynamique d’action, permet l’émanation de l’Énergie. Ainsi le couple Shiva-Shakti, Conscience-Énergie, est indissociablement lié.

« C’est au moyen de la conscience que s’accomplissent évolution et progression. » B.Tatzky

Le Souffle – Énergie

L’énergie pour les Yoga Sûtra de Patanjali, le plus ancien texte de référence sur le Yoga apparu juste avant notre ère, est intimement liée à la Vie. L’énergie vitale réside dans le Mahâ Prâna, le Grand Souffle.

Il est composé de cinq souffles ou vents, vayu, qui ont chacun une action spécifique dans le processus vital.

  • prâna est l’énergie d’inspiration, réception de l’énergie vitale, et il est situé dans le haut de la cage thoracique.
  • apâna est l’énergie d’expiration, d’élimination et de nettoyage. Il est situé dans le bas-ventre et le bas du dos.
  • vyâna est l’énergie de mobilité, située dans les membres. Elle distribue la vitalité là où elle manque.
  • udâna est l’énergie de la parole et de la création, située dans la gorge et la tête. C’est aussi l’énergie spirituelle, on dit « qu’elle élève celui qui la conquiert. »
  • samâna est l’énergie de l’équilibre et de la constance, assurant la bonne répartition des autres énergies. Située entre prâna et apâna, dans la région médiane du thorax.

    Il ne faut pas confondre le Prâna, ou Mâha Prâna, avec l’air de l’atmosphère, nous dit Yvonne Millerand dans une Revue Française de Yoga (n°2) :
    « Le Prâna est cela en l’absence de quoi aucune nourriture ne peut pénétrer le corps, aucun air ne peut être inspiré ou expiré et aucun mouvement n’est possible.
    « Prâna est l’expression de l’Atman (ou Purusha), dans chacune des moindres parties de l’organisme. De même que les rayons du soleil apportent la lumière au monde entier, Prâna apporte la vie à toutes les particules du corps. Comme l’Esprit, le temps et l’espace, il est invisible. »
    Cette définition a été donnée par Sri Krishnamacharya dans le message qu’il a transmis à l’Occident en 1973. « 

Le Purusha, que l’on peut traduire par « l’habitant de la cité », est immuable. Il est l’essence de l’être, « source de tout ce qui est ». Il est aussi souvent nommé l’observateur intérieur ou l’Atman ou notre vraie nature.
Mais il a besoin de la Prakriti pour s’exprimer. La Prakriti est la manifestation du Purusha dans la Nature, la « Réalité vibrante ». Elle est constituée de trois qualités, les guna : rajas, l’activité, tamas, l’inertie et sattva, l’équilibre parfait.
C’est le Mahâ Prâna qui permet au Purusha de s’exprimer, d’émaner à travers la Prakriti.

Desikachar écrit : « Le prâna, c’est l’expression du Purusha à la fois à l’intérieur et à l’extérieur du corps. Quand une personne est satisfaite ou confortable, le prâna se trouve davantage à l’intérieur. Au contraire quand une personne est perturbée, le prâna est dispersé. »
La pratique du prânâyâma doit permettre de ramener le Prâna à l’intérieur.
L’une des définitions du mot yogin d’après Sri Desikachar est « celui dont le prâna se trouve à l’intérieur du corps. »

Ainsi la pratique du yoga, et en particulier du prânâyâma et des bandha, va renforcer l’énergie vitale.

« L’Omnipénétrant, indissolublement uni à sa suprême énergie, resplendit dans les deux états (rêve et veille) sous les aspects de connaissance et de connaissable. Autre part, il est la conscience même. » D’après le Spandakarika, ou Chant du Frémissement, qui est l’un des textes essentiels du shivaïsme tantrique du Cachemire.

On peut reconnaitre l’analogie entre la vision tantrique de la Conscience-Énergie et celle du Souffle-Énergie.
La Source de l’Énergie, principe masculin, est stable et immuable mais a besoin d’une Puissance, d’un Souffle pour se répandre dans la Réalité vibrante, principe féminin.
Par la pratique du Yoga, nous améliorons ce rayonnement énergétique en développant notre conscience, notre vigilance de chaque instant.

  • Le Souffle ÉNERGIE DU YOGA, Boris Tatzky – Le courrier du livre – 2021

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