Îshvara Pranidhâna

Îshvara signifie en sanskrit « celui qui règne » et pranidhâna se traduit par « s’inspirer de », « s’abandonner complètement à ».
Dans le Yoga Sûtra de Patanjali, îshvara pranidhâna est lié dès le premier chapitre, celui des définitions, au yoga de la dévotion (bhakti-yoga) qui est le yoga des renonçants, dont les sadhu font partie. L’on apprend dans les sûtra I 23 à I 29 que la voie de l’abandon total au divin permet d’accéder au samadhi, étape ultime de libération pour le yoga.

Frans Moors commente ainsi le YS I 23 îshvara-pranidhânât-vâ
« Il s’agit de se déposer (dhâ) parfaitement (pra) et profondément (ni) en ce qui est incomparablement supérieur (îshvara). »

Les Yoga Sûtra sont théistes mais aucune religion ni aucun nom de dieux ne sont évoqués. C’est davantage l’approche spirituelle du yoga qui est représentée par ce principe d’abandon à plus grand que soi, à ce qui nous dépasse et que nous ne maitrisons pas.

Îshvara pranidhânâ est repris dans le deuxième chapitre du Yoga Sûtra, celui de la pratique, et constitue l’ultime niyama, les cinq disciplines personnelles du yogin.
Il constitue aussi avec les deux niyama qui le précèdent, tapas et svadhyaya, le Kriya-Yoga , le yoga de l’effort, de la purification, de la réflexion et de l’abandon. C’est celui que nous pratiquons en occident. Il part du corps physique par la pratique des âsana et du prânâyâma pour aller vers un apaisement du mental favorisant une écoute intérieure plus subtile et plus profonde.
Cette écoute ne peut se produire que par un relâchement des tensions physiques et mentales. Il est nécessaire de s’abandonner pour passer de l’effort volontaire, nécessaire à l’apprentissage des postures, à une attitude stable et détendue. L’abandon n’est possible que si l’on a ajusté la posture au préalable et il est préférable pour cela de bien se connaitre et d’accueillir ses limites.

S’abandonner à quelque chose de plus grand que soi, que nous ne saisissons pas, c’est aussi ouvrir l’horizon ! Lâcher les conditionnements pour tenter l’expérience ! Ce n’est en rien une résignation.
La spiritualité n’est-ce pas, comme le disait Claude Levi-Strauss, s’ouvrir à l’autre ou à l’autrement ?

YS II 45 samâdhi-siddhih-îshvara-pranidhânât
« Par la dévotion ou le service total au Principe supérieur, il y a perfection dans le ravissement lumineux (samâdhi). »

Le Principe supérieur peut être le divin pour le croyant mais il existe dans la philosophie indienne une autre explication. Le Samkhya est un darshana, point de vue sur le monde, qui est associé au Yoga. Dans la vision dualiste du samkhya, le principe supérieur est le Purusha, l’Esprit, la pure conscience intérieure qui voit, observe et qui est permanente. Mais ce Purusha est non-manifesté car il est l’Un (ou le Tout) et pour se voir il lui faut Prakriti, le Nature manifestée. Elle est une projection de l’Esprit, elle est impermanente. Mais les deux sont liés et finalement ne forment qu’un.

YS II 21 tad-artha eva drishyasya-âtmâ
« La raison d’être de ce qui est vu (prakriti) est seulement d’être vu. »

Îshvara est ce Purusha immuable et stable en chacun de nous. C’est le témoin intérieur objectif résidant dans l’étoffe la plus subtile de notre être. Le yoga est une expérience qui nous amène à réfléchir sur la perception du vivant en nous, du plus grossier au plus subtil. Le principe d’abandon, pranidhâna, qui va du relâchement dans la posture à la méditation, dhyana, est pour le pratiquant de yoga une attitude consciente à développer.

« Le yoga, en Inde, est une discipline qui est un engagement à se rencontrer en tant qu’Être. » Liliane Cattalano

Îshvara pranidhâna est pour moi l’accueil de l’inattendu. C’est laisser de côté la volonté de tout contrôler car c’est illusoire et cela crée de la frustration, de la souffrance.
La reconnaissance et l’acceptation de ce qui me dépasse demandent de l’humilité, de la réflexion et du discernement. Il faut ouvrir les yeux et tendre l’oreille !

« Îshvara pranidhâna, c’est le mystère de la création qui nous invite à lâcher-prise. C’est aussi l’intégration du spirituel. » François Roux.

  • photo des nénuphars de Catherine Michaud
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