Viparita (inversion) Karani (acte), l’attitude inversée, rassemble toutes les postures de yoga pour lesquelles le nombril est au-dessus du palais. Elles sont des postures majeures du yoga et certaines sont célèbres et spectaculaires.
La posture sur la tête, shirshâsana, est le roi, la chandelle, sarvangâsana, la reine et la charrue, halâsana, la dauphine, d’après Sri Krishnamacharya.
Mais nous abordons toujours les postures inversées en pratiquant viparita karani mudra, littéralement le geste de l’attitude inversée ( ci-dessous ), qui n’étire pas trop la nuque au sol, le poids du corps portant sur les bras, les coudes et les épaules.
Le retour se fait toujours en fléchissant les genoux vers le front et en relevant la tête du sol lorsque le bas du dos se pose.
Les postures inversées présentent de nombreuses contre-indications physiques (tension oculaire, hyper et hypotension non soignées…) et même des interdictions, en cas de glaucome par exemple.
La peur peut aussi être un frein à la prise de certaines postures car elle contracte le corps, ce qui peut entrainer des accidents.
Leur pratique doit être progressive et assistée par un enseignant. Elles nécessitent une longue préparation et un assouplissement des trois segments du corps :
– étirement de la nuque
– ouverture de la ceinture scapulaire et tonification des bras
– conscience du bassin, travail des abdos et étirements des ischions-jambiers.
Le diaphragme est très sollicité par le poids des viscères qui se portent dessus. Pour cela, l’inspiration est plus difficile et la respiration doit être profonde. La phase d’expiration (expire et suspension poumons vides) sera plus longue, c’est un rythme langhana.
Physiquement, une détente et une sensation d’allègement du bas du corps, effet du retour veineux, mais aussi l’évacuation de l’air en trop, qu’il soit intestinal ou vaginal, vont s’installer au fil du souffle lent et profond.
« Dans la mesure où le corps est prêt, le fait de soumettre pendant quelques minutes l’ensemble du squelette osseux, articulaire et fibreux à une pression inverse, peut être favorable au remaniement de sa trame. (…) Même tenue peu de temps, une posture, dans la mesure où elle est répétée à intervalles réguliers, agit sur la structure du corps. » *
Energétiquement, les postures inversées activent le feu digestif et l’élimination se fait comme une évidence. Comme les rotations/torsions, elles défatiguent. Pour la Hatha Yoga Pradipika, elles ralentiraient le vieillissement !
Pour la science du yoga, le corps est un microcosme à l’image du macrocosme. Nous avons un capital d’énergie à la naissance, l’amrita ou élixir de vie, contenu dans la Lune qui se trouve au dessus du palais et c’est la combustion de cette « huile » dans la zone digestive, correspondant au Soleil, qui nous procure l’énergie vitale. A chaque respiration, tombe une goutte d’amrita, mais comme nous respirons trop vite en général, de précieuses gouttes ne sont pas brûlées et vont dans l’apana, le bas du ventre. Ainsi les postures inversées permettent de faire brûler ce qui doit l’être car ce surplus nous rend tamasique, sombre et encombré.
Symboliquement, Viparita Karani nous permet de voir le monde sous un autre angle, où le coeur guide et non plus le mental.
« Ce renversement ne peut prendre un sens dans l’évolution que s’il s’accompagne d’une mutation : c’est la conversion des énergies du coeur qui passent du régime des émotions et du désir à celui du sentiment et de la volonté. (…) En effet, elle est passage de l’oscillation imprévisible des affects à la stabilité unifiante du sentiment, ou encore retournement du vouloir personnel en l’acceptation de ce qui est. » **
Avec le renouveau du printemps, ne serait-ce pas le moment de consumer dans ce feu intime ce qui nous pèse ?! Et ainsi grâce au travail d’apâna vayu dans Viparita Karani, nous laisser renaître…
- Jean Pierre Laffez – Revue Française de Yoga n°2 – FNEY juillet 1990
- Ysé Tardan Masquelier – ibid
- Autre source : cours d’Isabelle Morin Larbey à l’Ecole Française de Yoga de Paris