Utsâha est considérée en Inde comme l’une des huit émotions fondamentales de l’être humain. Utsâha signifie l’enthousiasme, l’énergie dans l’action, la volonté ou la persévérance.
Parmi ces huit « passions » humaines, on trouve aussi l’amour, rati, la colère, krodha, la peur, bhaya…
Le Nâtya-Shâstra est un traité très ancien sur la danse, le théâtre et la musique classiques de l’Inde. Il mentionne ces huit bhava (émotions) dans le but de fournir au danseur, à l’acteur et au musicien une palette d’interprétations, par le visage, le corps ou les sons, composée de neuf rasa (le sentiment de paix shanta ayant été ajouté par la suite). On peut considérer ces nava rasa comme l’expression artistique de chaque bhava.
Mais revenons à utsâha. L’enthousiasme résulte d’une attitude intérieure, d’une volonté, nécessaires à tout marcheur sur le chemin du Yoga. Cette voie est un engagement de la personne toute entière nécessitant un désir initial sans cesse renouvelé.
Utsâha est, à mon avis, un corollaire d’abhyâsa, la pratique assidue.
Le yogin doit s’exercer pour affiner la perception de ses sensations intérieures. Ainsi il apprend à se connaitre et à discerner les différences, les contradictions apparentes qui le constitue, lui, tout entier. On ne peut être dans le refus de soi-même, dvesha, car c’est une cause de souffrance, un klesha.
Comme le disait Arnaud Desjardins : « Pour pouvoir dépasser, passer au delà – de la dualité, du conflit – il faut d’abord accepter, assumer, intégrer et réunifier. »
Et quel bel objectif, enthousiasmant, motivant, que de se retrouver soi-même en harmonie grâce à un meilleur équilibre intérieur !
Le yogin développe, par une pratique physique appliquée, la conscience de son corps et aussi de la posture juste pour lui. Il ajuste sans cesse celle-ci car son corps change. Cet ajustement constant est le meilleur moyen de se connaitre, de s’entendre, dans le sens de s’écouter mais aussi de se réconcilier avec soi-même !
Et s’il y a réconciliation, alors il y a de la joie…
La pratique du yoga, par les asana et le travail du souffle, va permettre de libérer les espaces intérieurs des noeuds dûs aux tensions. Les grand textes du yoga nous rappellent sans cesse cette traversée de l’obscurité vers la lumière. La salutation au soleil, surya namaskara, en est le symbole même. C’est un salut à la lumière et le plus vieux rituel humain.
Si nous gardons à l’esprit que la clarté est au bout du chemin alors l’enthousiasme, utsâha, et la confiance, shraddhâ, évitent de céder au découragement face aux obstacles qui se présentent.
Il existe un autre terme en sanskrit qui peut être traduit par « l’enthousiasme », c’est muditâ. Cependant son sens diffère de celui d’utsâha car la notion de volonté est moins présente. Muditâ signifie davantage la gratitude et implique donc un détachement. C’est plus une attitude d’accueil et de joie pour ce qui arrive et qui est indépendant de notre volonté. Il me semble qu’il est davantage associé à vairâgya, le lâcher-prise.
Christia Berthelet Lorelle, dans un article des « Carnets du yoga », évoque cette association entre l’enthousiasme et le détachement quand elle se réfère au YS I 33 où muditâ est associé à upekshânam, la distance bienveillante.
« Car l’imperfection étant, il nous faut non seulement en tenir compte mais aussi en revenir, la dépasser, ce que upekshânam signifie dans l’aphorisme I 33 des Yoga Sûtra – cette belle distanciation neutre qui permet de ne pas faire ombrage à l’enthousiasme, muditâ. Dans ce sûtra les deux termes sont accolés (muditopekshânam) comme si l’un dépendait de l’autre, l’enthousiasme permettant le détachement et le détachement préservant l’enthousiasme. »*
Le yoga est une voie d’équilibre qui nécessite un engagement personnel et un enthousiasme joyeux, dénués d’avidité.
- Les carnets du yoga n° 378 – juin 2019 – FNEY Paris – www.lemondeduyoga.org