Viveka

Viveka, en sanskrit, signifie le discernement, la sagesse. La racine Vi- exprime le fait de couper, de séparer. Cette distinction, préalable à l’union et à l’harmonie dans l’état de yoga, est nécessaire pour rompre la con-fusion et sortir de l’amalgame des sensations pour aller vers un ressenti plus fin, plus subtil.
Nous devenons plus lucides. La pratique du yoga développe l’observation et le recul vis à vis de nos émotions. C’est en laissant de l’espace à ce qui se présente à nous, après la posture et dans le shavâsana, que l’on affine la capacité de ressenti intérieur. Âsana et prânâyâma libèrent le corps et le mental en arrêtant l’activité des pensées obsédantes. Alors ce qui émerge est plus distinct et plus limpide. Il faut dans un premier temps élaguer pour y voir plus clair.
Progressivement, nous devenons l’observateur avisé de nous-même et nous prenons l’habitude de nous distancier de nos im-pulsions. En ne faisant plus corps avec elles, nous pouvons les voir et nous apprenons doucement à les atténuer, parfois à les devancer.

Viveka est primordial pour le yoga et Patanjali y fait référence 12 fois dans les Yoga Sutra.
C’est grâce au Kriya Yoga (YS II 1), le yoga de l’action et de la purification, que nous pouvons accéder à une sagesse et atténuer les causes de souffrance, les klesha.
Tapas, l’ardeur dans la pratique, ouvre l’espace nécessaire au discernement, svâdhyâya, l’étude de soi et des textes, nous guide vers notre propre cheminement et ishvara pranidhana, l’abandon dans la confiance, nous permet le lâcher-prise pour avancer vers la compréhension.

Pour le Hatha-Yoga, le discernement commence dans le corps par la conscience de nos dvandva, les couples d’opposés (côté gauche/côté droit…) qui nous structurent.
Nous sommes aussi constitués, comme tout être vivant, de qualités opposées, les guna.
Rajas, l’action et la précipitation, tamas, le retrait et l’inertie, sont opposés mais complémentaires. Le discernement nous permet de les considérer tels qu’ils sont, tout en essayant de les accorder dans le but de développer le 3ème guna qui est l’équilibre, stattva. Ainsi l’identification, qui dans un premier temps dissocie, mène à l’harmonisation.

La métaphore du tissage exprime cette nécessité de séparer avant de relier. La laine doit être cardée pour en faire un fil propre au tissage. Le cardage nettoie, démêle et sépare. Le tissage entrecroise et réunit les fils dans un bel ouvrage. Et pour que le tissu soit souple et doux, les fils ne doivent pas être trop serrés. L’espace entre est nécessaire.

Comme l’écrit Frans Moors dans ses commentaires des Yoga Sutra, « L’état de yoga n’est possible que par le viyoga, la coupure, la séparation. Le yoga n’est pas une béatitude inerte, mais le fruit d’un travail qui tranche et met l’ignorance en pièces (…) La vision ou réalisation du discernement agit comme un remède, un véritable instrument de guérison. Une réalisation ponctuelle ou occasionnelle ne suffit pas, la véritable démarche est sereine, ferme et continue; cela ne se fait pas en un jour. »

Selon Patanjali, viveka nous enseigne que nous ne sommes pas nos émotions et que nous pouvons éviter les causes des souffrances à venir.
La pratique assidue du yoga, selon l’enseignement des Yoga Sutra, peut nous relier à ce que nous sommes profondément : le témoin intérieur (purusha), « la pure conscience qui n’est pas soumise à la loi des guna. »

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