Prânâyâma

Dans un grand nombre de civilisations, le souffle est associé à la création du monde. Pour l’Inde, le monde est né d’une inspiration de Brahmâ, le dieu créateur.
Pour la Genèse, premier texte biblique et récit des origines, l’Esprit de Dieu est nommé la « ruah » qui signifie le vent, le souffle ou encore la parole. Chez les Grecs, le souffle, pneuma, et l’esprit sont liés. Chez les Latins, spiritus signifie aussi bien la respiration que l’esprit. Enfin il est étonnant de noter que le mot respirer en allemand se dit atmen et que l’âme individuelle en sanskrit se traduit par atman !
Respirer est essentiel et spirituel, le premier souffle nous permet d’entrer dans la Vie comme le dernier nous fait entrer dans la Mort.

Pour l’Inde et le yoga, ce Souffle créateur et vital se nomme Prâna. Il insuffle la vie dans tout ce qui existe dans l’univers.
« Toute vie va donc fonctionner à la manière d’une immense respiration avec la récurrence alternée des deux phases inspir/expir, qui sont symboliquement manifestation/retour, production/résorption, évolution/involution ou encore selon la vision indienne kalpa/pralaya, c’est-à-dire durée/dissolution. » *

« L’air tisse l’univers , le souffle tisse l’homme. » extrait de l‘Atharva Veda, l’un des grands textes fondateurs de la culture indienne.

Ainsi le royaume du souffle est aussi celui du vent nommé vayu, le dieu du vent .
Et comme pour l’Inde le microcosme est régi par les mêmes lois que le macrocosme, cinq vayu tissent notre corps et gouvernent l’ensemble de nos fonctions vitales.

PRÂNA ET LES CINQ VAYU :

Chacun des cinq souffles qui nous traversent sont nommés selon leurs fonctions.

prâna vayu ( PRA-indique la priorité et l’intensité, AN- signifie respirer), c’est le premier des cinq car c’est l’inspiration, « la force de vie à l’état pur ». Son siège est dans la région thoracique. Il a donné le nom générique de tous les souffles, de toutes les énergies, Prâna.

apâna vayu (APA-indique la mise à l’écart et l’infériorité, AN-respirer) c’est l’expiration . Il se situe dans la partie basse de l’abdomen et permet de nettoyer le corps des toxines qui sont rejetées à l’extérieur. Il est intéressant de noter que, en sanskrit, apâna est employé pour décrire aussi bien les souillures, les scories à éliminer que le souffle de l’expiration qui permet ce nettoyage !

samâna vayu (SAMA-indique l’égalité, la régularité, AN-respirer) oeuvre dans la partie haute de l’abdomen en alimentant le feu gastrique. Il contrôle la digestion et entretient le fonctionnement équilibré de l’ensemble du corps.

udâna vayu (UD-l’élévation, Â-le mouvement vers et AN-respirer) se situe dans la gorge et dans la tête. Il commande l’absorption de la nourriture et de l’air. Il est relié aux cordes vocales et à la parole. Ce souffle du haut relie la part physique et la part spirituelle de l’être.

vyâna vayu (VI-la diffusion ou la séparation, Â-aller vers et AN-respirer) distribue l’énergie provenant de la nourriture et de l’air dans tout le corps par l’intermédiaire des veines, artères et nerfs. Il maintient le corps en bonne santé en le défendant des maladies et en lui permettant de se mouvoir.

Hanuman, fils de Vayu

Les postures de yoga, âsana, et la maîtrise de la respiration, prânâyâma, vont agir conjointement sur ces différents souffles. Il suffit au préalable de définir l’intention du yogin pour que le vayu approprié soit accentué.
Par exemple, si l’on veut installer une ambiance intérieure paisible et stable, samâna sera privilégié en portant une attention, sans tension, à l’espace du nombril et en équilibrant les phases d’inspiration et d’expiration.
Ainsi nous entrons dans l’allongement et l’affinement du souffle propre au yoga et que l’on nomme prânâyâma.

CONNAITRE ET APPRIVOISER LE SOUFFLE : LE PRÂNÂYÂMA

Le yoga s’attache à développer la connaissance des souffles pour pouvoir, en les maîtrisant, améliorer leur fonctionnement. Ainsi la respiration devient totalement consciente. Cette science et cet art du Prâna est une part essentielle du yoga.

La Kaushîtaki Upanishad dit : « Le souffle c’est la conscience et la conscience c’est le souffle. Car tous deux résident dans ce corps et le quittent ensemble. »

Le souffle conscient du yoga se répartit en quatre phases :
Pûraka : l’inspiration qui stimule l’organisme.
Rechaka : l’expiration qui nettoie et détend aussi.
Kumbhaka : la suspension du souffle (et pas la rétention qui implique une crispation et non un relâchement), après l’inspir et après l’expir, qui diffuse l’énergie dans l’organisme.

Le prânâyâma favorise également le recentrage de l’attention et la concentration de l’esprit. Il faut le pratiquer avec prudence et patience car sinon les effets seront contraires et la vitalité en sera diminuée. S’il est bien pratiqué avec l’aide d’un enseignant, au début, le prânâyâma procure un équilibre général, une paix intérieure et une force vitale décuplée.

Il existe donc plusieurs techniques selon l’effet désiré.
Dans une recherche de détente et de nettoyage des tensions physiques et mentales, la phase d’expiration, c’est à dire l’expir et la suspension poumons vides, sera plus longue. C’est alors un rythme respiratoire que l’on nomme Langhana.
Si la volonté est d’accroitre la vitalité, ce sont les phases d’inspiration, inspir et suspension poumons pleins, qui prédomineront, en sachant que l’inspiration ne peut pas être plus longue que l’expiration. C’est alors un rythme Brimhana.
Et pour apaiser et équilibrer le corps et l’esprit, alors le rythme respiratoire égalisera les deux phases et se nommera Samana.

Il ne faut jamais oublier que le souffle est très puissant et qu’il faut être guidé par un enseignant compétent !
Celui-ci orientera la séance avec des postures qui seront adaptées au rythme choisi.

Pour conclure, deux citations de la Hatha Yoga Pradipika **, texte d’enseignement fondateur du Hatha-Yoga, qui disent le pouvoir du souffle à apprivoiser doucement :

« De même qu’un lion, un éléphant ou un tigre ne sont domptés que progressivement, de même le souffle doit être contrôlé par degrés, lentement, autrement il tue le sâdhaka (le yogin) lui-même. » HYP 2, 15

« La prânâyâma correctement exécuté détruit toutes les maladies. Mais une pratique incorrecte engendre toutes les maladies. » HYP 2, 16

  • François Roux- Prâna, l’énergie de vie – Revue Française de Yoga n°28-2003-F.N.E.Y
  • Tara Michaël- Hatha Yoga Pradipika– Fayard- France 2012
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