La racine sanskrite KAR-, agir, est bien connue des occidentaux car elle forme le mot Karma, la loi de cause à effet en quelque sorte. La racine AN- signifiant respirer, Karana peut se traduire par « agir avec le souffle ».
Le Karana est un enchainement de postures dont le déroulement doit se faire harmonieusement, dans une direction choisie et déterminée. La fluidité et la légèreté de l’enchainement viennent progressivement et la persévérance est nécessaire.
Le mouvement ne doit pas devenir un automatisme. La répétition est essentielle à l’apprentissage mais chaque geste doit rester conscient.
« Il s’agit d’une succession de postures qui seront accomplies sans heurt, l’une amenant l’autre dans des mouvements amples, coulés, lents et pratiqués complètement jusqu’aux limites des possibilités corporelles. » d’après Andrée Maman, professeure de yoga, médecin et ancienne présidente de la F.N.E.Y.
Et comme le souffle porte le geste alors la respiration est, elle aussi, ample, calme et régulière. La synchronisation du souffle et du mouvement corporel permet de réguler l’effort fourni. Les inspirations et les expirations doivent être doucement allongées tandis que les suspensions, kumbhaka, sont courtes. Il convient de « supprimer ou de diminuer les éventuelles saccades du souffle pour arriver à le lisser ». Alors il devient subtil et se traduit par un certain silence respiratoire.
Le karana est une danse en yoga, c’est un terme d’ailleurs employé en danse classique indienne. Sa fluidité, liée à la coordination et à l’endurance, tend à équilibrer les opposés (dvandva) qui président à la vie et nous permet d’atteindre un état physique et psychique délié et serein.
Le karana le plus connu en yoga est la salutation au soleil, Sûrya namaskâra, qui est aussi le rituel humain le plus ancien. La symbolique de ce karana est bien sûr d’honorer l’astre solaire et son rayonnement, source de la vie sur terre, mais c’est aussi accueillir en nous cette lumière.
L’utilisation de ces enchainements posturaux dans la pratique du yoga prépare le corps à l’immobilité dans les postures statiques qui suivent. L’immobilité résulte d’une parfaite stabilité intérieure, fruit d’une régulation respiratoire, d’une concentration mentale et d’un relâchement des tensions musculaires.
Ainsi les effets majeurs des karana sont multiples :
* amélioration de la vigilance, de la présence et de la mémorisation
* endurance musculaire et cardiaque
* ouverture de la cage thoracique pour parfaire la capacité respiratoire
* entretien d’un bon rapport entre tonicité et souplesse
* intensification et harmonisation de la circulation de l’énergie dans ses canaux, les nâdî
Je terminerai par une citation qu’une amie danseuse m’a offerte :
« Danser, c’est lutter contre tout ce qui retient, tout ce qui enfonce, tout ce qui pèse et alourdit, c’est découvrir avec son corps l’essence, l’âme de la vie, c’est entrer en contact physique avec la liberté. » Jean-Louis Barrault.
Un Karana en yoga est tout cela.
- Andrée Maman, Revue Française de Yoga n°26 Enchainements p 33 – 2002 – FNEY
- Boris Tatzky, ibid p 153
- Patrick Tomatis, ibid p 115